20 mai 2009

La crise et l'avortement vont de pair en Russie

La crise économique et financière mondiale accentue le recours à l'avortement en Russie, alors que le pays a déjà a le taux d'IVG le plus élevé au monde et est menacé d'une chute drastique de sa population au cours des prochaines décennies, selon des experts.

"Je paye chaque mois pour mon appartement, et pour le moment, je peux tout imaginer sauf être sans emploi", confie Irina, une femme venue se faire avorter dans une clinique au nord de Moscou. "Une amie a perdu son emploi et dit que cela lui donne davantage de temps pour élever son enfant. Je pense que c'est un peu fou", ajoute-t-elle.

En Russie, l'instabilité économique accroît le nombre d'avortements, qui va augmenter de 10 à 12%, prédit le médecin-chef d'une maternité de la capitale russe, Andreï Akopian.

Raisons financières

"Davantage de femmes veulent subir un avortement", renchérit Khazem Alsoabi, médecin à la clinique privée MedClinica à Moscou. "J'entends dire que c'est pour des raisons financières, il n'y a aucun doute là-dessus", dit-il. "Il se peut que des familles qui ont prévu d'avoir des enfants soient contraintes de revenir sur cette décision", ajoute-t-il.

La Russie a le taux d'avortement le plus élevé au monde, selon les Nations unies. D'après un sondage réalisé par le Centre d'étude de l'opinion publique russe (VTsIOM) au mois de novembre, quelques mois après le début de la crise qui frappe durement la Russie, seules 5% des femmes se sont dit prêtes à avoir des enfants au cours des cinq prochaines années.

Nouvel argument
Leurs proches recourent de plus en plus à l'argument de l'insécurité économique pour les pousser à avorter, confie Irina, psychologue dans un centre de planing familial, qui n'a pas souhaité donner son nom. "Il y a même une nouvelle catégorie de femmes qui disent qu'elles se font avorter parce qu'elle ne peuvent pas payer leur crédit", constate Svetlana Roudneva, qui dirige le fonds Famille et Enfance, proposant des conseils pour les naissances non désirées.

Les recherches du mot "avortement" sur le moteur de recherche internet russe Yandex ont plus que doublé après la crise financière qui a débuté à l'été 2008. En l'espace d'un seul mois, elle ont bondi à 151.471 en novembre dernier, après 94.526 en octobre.

Baisse des naissances

Cette situation complique la tâche des autorités russes qui essayent d'encourager leurs habitants à avoir des enfants, compte tenu de la baisse du nombre de naissances chaque année. "L'amour pour votre nation commence par la famille", lit-on dans le métro de Moscou, dans le cadre d'une campagne d'affichage lancée par l'Etat russe. En janvier et février, la Russie a recensé 270.800 naissances, en baisse de 3.700 par rapport à l'année précédente, selon le Service fédéral des statistiques (Rosstat).

Au cours des 16 dernières années, la population a chuté de 12 millions, relèvent les Nations unies dans un récent rapport. Une tendance appelée à s'amplifier d'ici à 2050, année où la Russie ne comptera plus que 116 millions d'habitants, contre 142 millions l'an passé, selon ce document de l'ONU.

Selon le directeur de Rosstat, Vladimir Sokoline, la population active russe baisse d'un million par an et le pays pourrait se retrouver face à une pénurie de main-d'oeuvre. (belga/cb)
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