Alors que l’excommunication au Brésil de la mère d’une fillette de 9 ans, violée et ayant avorté, suscite de vives réactions, des prêtres et laïcs catholiques expliquent comment ils recherchent la meilleure façon d’agir.
L’exercice est toujours difficile, les situations toujours différentes. Ancien prêtre en paroisse et animateur en pastorale de la santé, le P. Louis Rubin se souvient : « Comme tout prêtre, j’ai reçu des femmes à ce sujet : quelquefois, mais très rarement, elles sont venues avant de prendre leur décision, plus souvent après. »
Aux premières, il s’est bien gardé de dire quelle décision prendre, il essayait plutôt de les aider à « poser un acte en vérité », leur rappelant pourquoi l’Église « ne peut accepter ce geste », mais aussi que, quelle que soit leur décision, « une porte est ouverte, et qu’elles resteront toujours aimées par le Père ».
Quant à celles qui sont venues déposer plus tard une blessure qu’elles ont parfois longtemps tue, ce prêtre, aujourd’hui à la retraite, n’a cessé de leur dire « qu’elles ont encore un avenir de partage, de don », et « qu’elles ont leur place dans cette Église de pécheurs ».
« Après, il s’agit d’accompagner des personnes dans des situations où je ne voudrais pas être, et où chacun essaie de faire au mieux de ce qu’il ou elle peut. (…) J’attends des hommes d’Église, mes frères, qu’ils n’utilisent pas son nom pour condamner des personnes ou les enfermer dans la culpabilité. »
L’excommunication prévue par le droit canonique ? Pour sa part, le P. Louis Rubin n’en a jamais parlé. « Je crois que j’aurais exclu encore une autre vie alors qu’une avait déjà été tuée, résume-t-il sobrement. Je pense qu’il faut toujours être ferme sur la position de l’Église, ne pas marchander. Mais je n’ai jamais eu le sentiment que manier cette arme aurait amené à une réflexion plus saine. »
Ses bénévoles ont bâti un parcours prévu pour se dérouler sur une quinzaine de rencontres hebdomadaires. « Les gens qui viennent nous voir savent que nous sommes un lieu d’écoute d’inspiration chrétienne : nous ne le cachons jamais, explique l’une de ses responsables, Guillemette Porta. Mais n’importe qui peut être accompagné, quelle que soit sa foi ou sa non-foi. Notre objectif est d’aider les personnes à se remettre debout, à retrouver la paix et la vérité en elles, en respectant ce qu’elles sont. »
Agapa, « un visage de la tendresse de Dieu », donc – un Dieu « compatissant, qui ne juge pas mais permet toujours à l’homme de se relever » –, mais qui se dispense de « pancartes »…
Aujourd’hui engagée dans l’aumônerie et le dialogue œcuménique au sein du diocèse d’Évry, Marie-Odile Vouilloux, en est tout aussi convaincue : c’est « en écoutant les femmes qu’on fera reculer l’avortement, et non pas en leur assénant un discours ».
De 1972 à 1984, cette ancienne conseillère familiale a fait le choix de travailler dans des centres de planification et d’éducation familiale dépendant de PMI (Protection maternelle et infantile), d’hôpitaux ou de dispensaires. Pendant ces douze années, elle s’est attachée avant tout à aider ces femmes à comprendre « ce qui s’était passé », leur « ambivalence » entre désir et refus d’enfant…
L’humilité de l’Église, l’expression revient souvent… Au cours de sa carrière de gynécologue obstétricien au CHU d’Angers, Roger Le Lirzin était celui vers lequel « on dirigeait toutes les misères du monde » : femmes violées et frappées, jeunes filles enceintes des suites d’un inceste…
Tiraillé entre « ce que dit l’Église » et ces souffrances qu’il côtoyait chaque jour, il a payé de sa personne, « par sa santé », son engagement. Aujourd’hui encore, il « bouillonne » à l’évocation de ces souvenirs. « L’Église a quelque chose à dire sur ces sujets : elle doit porter une parole que je qualifierais de “prophétique”. Elle doit redire aux personnes : “Vous touchez à la dignité de l’homme.” Mais surtout, qu’on ne me jette pas la pierre. Si j’ai accepté de pratiquer des IVG, c’était dans des situations humainement sans issue. »
Quelle conduite tenir ? Quelle parole délivrer ?
Dans leur vie professionnelle, leur activité pastorale ou associative, de nombreux catholiques sont confrontés quotidiennement à l’avortement. Et à ces questions délicates : quelle conduite tenir face à des femmes qui demandent éventuellement conseil ou soutien ? quelle parole délivrer ? comment articuler enseignement magistériel et écoute de la souffrance ?L’exercice est toujours difficile, les situations toujours différentes. Ancien prêtre en paroisse et animateur en pastorale de la santé, le P. Louis Rubin se souvient : « Comme tout prêtre, j’ai reçu des femmes à ce sujet : quelquefois, mais très rarement, elles sont venues avant de prendre leur décision, plus souvent après. »
Aux premières, il s’est bien gardé de dire quelle décision prendre, il essayait plutôt de les aider à « poser un acte en vérité », leur rappelant pourquoi l’Église « ne peut accepter ce geste », mais aussi que, quelle que soit leur décision, « une porte est ouverte, et qu’elles resteront toujours aimées par le Père ».
Quant à celles qui sont venues déposer plus tard une blessure qu’elles ont parfois longtemps tue, ce prêtre, aujourd’hui à la retraite, n’a cessé de leur dire « qu’elles ont encore un avenir de partage, de don », et « qu’elles ont leur place dans cette Église de pécheurs ».
"A temps et à contretemps, le respect de la vie humaine"
« Je crois que l’Église catholique assume sa responsabilité sociale en insistant, à temps et contretemps, sur le respect de la vie humaine », affirme également Mgr Francis Deniau, évêque de Nevers, dans un texte diffusé ces jours-ci à tous les animateurs pastoraux de son diocèse.« Après, il s’agit d’accompagner des personnes dans des situations où je ne voudrais pas être, et où chacun essaie de faire au mieux de ce qu’il ou elle peut. (…) J’attends des hommes d’Église, mes frères, qu’ils n’utilisent pas son nom pour condamner des personnes ou les enfermer dans la culpabilité. »
L’excommunication prévue par le droit canonique ? Pour sa part, le P. Louis Rubin n’en a jamais parlé. « Je crois que j’aurais exclu encore une autre vie alors qu’une avait déjà été tuée, résume-t-il sobrement. Je pense qu’il faut toujours être ferme sur la position de l’Église, ne pas marchander. Mais je n’ai jamais eu le sentiment que manier cette arme aurait amené à une réflexion plus saine. »
Agapa, « un visage de la tendresse de Dieu »
En plus des prêtres, aumôniers ou aumônières, généralement sollicités pour donner une parole d’Église, des catholiques proposent une aide, un accompagnement, souvent animés par leur foi, mais pas toujours explicitement chrétiens. C’est par exemple le projet d’Agapa, une association fondée en 1994 à Paris par le service diocésain de la pastorale familiale pour écouter les femmes (et les hommes) ayant vécu une interruption de grossesse.Ses bénévoles ont bâti un parcours prévu pour se dérouler sur une quinzaine de rencontres hebdomadaires. « Les gens qui viennent nous voir savent que nous sommes un lieu d’écoute d’inspiration chrétienne : nous ne le cachons jamais, explique l’une de ses responsables, Guillemette Porta. Mais n’importe qui peut être accompagné, quelle que soit sa foi ou sa non-foi. Notre objectif est d’aider les personnes à se remettre debout, à retrouver la paix et la vérité en elles, en respectant ce qu’elles sont. »
Agapa, « un visage de la tendresse de Dieu », donc – un Dieu « compatissant, qui ne juge pas mais permet toujours à l’homme de se relever » –, mais qui se dispense de « pancartes »…
"Un impact limité, mais nous laissons une chance à la vie"
Délégué général de l’Alliance pour les droits de la vie, Tugdual Derville insiste lui aussi sur l’ouverture de son association à « toutes les femmes » et sur son choix de les aider « à se libérer, avec leurs mots à elles, sans intrusion, de toutes leurs pressions et leurs angoisses ». Par téléphone, par courriel ou en face-à-face, les bénévoles de l’ADV dialoguent avec des femmes qui s’interrogent encore sur la conduite à tenir – pour faire en sorte que « leur désir profond soit écouté » – ou ayant déjà avorté, les aidant à « revisiter leur histoire », à ne pas « se laisser écraser » par elle. « Nous sommes très conscients que notre intervention a un impact limité, mais nous laissons une chance à la vie », résume son délégué général.Aujourd’hui engagée dans l’aumônerie et le dialogue œcuménique au sein du diocèse d’Évry, Marie-Odile Vouilloux, en est tout aussi convaincue : c’est « en écoutant les femmes qu’on fera reculer l’avortement, et non pas en leur assénant un discours ».
De 1972 à 1984, cette ancienne conseillère familiale a fait le choix de travailler dans des centres de planification et d’éducation familiale dépendant de PMI (Protection maternelle et infantile), d’hôpitaux ou de dispensaires. Pendant ces douze années, elle s’est attachée avant tout à aider ces femmes à comprendre « ce qui s’était passé », leur « ambivalence » entre désir et refus d’enfant…
"Eduquer à la liberté"
Entre les militants convaincus qu’elle a côtoyés et pour « qui il suffit de dire que la vie commence à quelques mois, voire à la naissance », et ceux qui « culpabilisent » les femmes, elle a tenté une voie médiane, aidant celles qu’elle recevait à évoquer la question de la mort, pour « mieux prendre leurs responsabilités ». Selon elle, face à ces situations toujours complexes, « il faut être humble ». « Notre responsabilité de chrétiens, c’est d’éduquer à la liberté. »L’humilité de l’Église, l’expression revient souvent… Au cours de sa carrière de gynécologue obstétricien au CHU d’Angers, Roger Le Lirzin était celui vers lequel « on dirigeait toutes les misères du monde » : femmes violées et frappées, jeunes filles enceintes des suites d’un inceste…
Tiraillé entre « ce que dit l’Église » et ces souffrances qu’il côtoyait chaque jour, il a payé de sa personne, « par sa santé », son engagement. Aujourd’hui encore, il « bouillonne » à l’évocation de ces souvenirs. « L’Église a quelque chose à dire sur ces sujets : elle doit porter une parole que je qualifierais de “prophétique”. Elle doit redire aux personnes : “Vous touchez à la dignité de l’homme.” Mais surtout, qu’on ne me jette pas la pierre. Si j’ai accepté de pratiquer des IVG, c’était dans des situations humainement sans issue. »
Anne-Bénédicte HOFFNER pour La Croix.fr |
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